Chapman,Elsie – Dualed
Présentation de l’éditeur:
Dans la ville fortifiée de Kersh, avant d’atteindre son vingtième anniversaire, chaque citoyen doit éliminer son Alter ego, un jumeau génétiquement identique, élevé dans une autre famille. Le compte à rebours se déclenche un beau matin, et chacun a trente petits jours pour affronter son autre moi.
West Grayer est fin prête. Elle a quinze ans, et s’entraîne depuis des mois et des mois pour affronter son Alt. Survivre, c’est accéder à une vie normale, terminer ses études, avoir le droit de travailler, de se marier, de mettre au monde des enfants. Mais un grain de sable imprévu vient gripper la machine, et West se met à douter : est-elle vraiment la meilleure version d’elle-même, celle qui mérite un avenir ? Pour rester en vie, elle doit cesser de fuir… son double d’abord, mais aussi ce qu’elle ressent, et qui a le pouvoir de la détruire.
~~~~~~~~~~ Détails sur le produit
Broché : 440 pages Editeur : Lumen Date de sortie : 6 mars 2014 Collection : Hors Collection Langue : Français ISBN-10 : 237102001X ISBN-13 : 978-2371020016 Dimension du produit : 22.5 x 2.7 x 14 cm Prix : 15.00 €
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Biographie de l’auteur
Avec Dualed, Elsie Chapman a produit un premier roman en forme de rite de passage qui est aussi un thriller aux qualités d’écriture évidentes. Random House a misé gros sur cet auteur, et réservé́ au titre un lancement évènementiel (spot léché́ en images de synthèse mêlées de prises de vue réelle, publicité́ au cinéma et sur MtV). Elsie Chapman vient de déménager au Japon avec ses deux enfants où elle continue d’imaginer des dystopies à la fois cruelles, pleines de style et étonnamment touchantes.
~~~~~~~~~~ Partenariats, forums et Lectures communes
Lecture en partenariat avec le forum Au Boudoir Ecarlate et les éditions Lumen.
~~~~~~~~~~ Mon avis:
Kersh, ville fortifiée où se côtoient les futurs activés et les Accomplis. Deux statuts, deux vies totalement différentes, deux avenirs différents.
Avant leurs 20 ans chaque adolescent dit « inactif » va devoir se débarrasser de son double, son jumeau “maléfique” si on peut dire afin de gagner le droit de vivre SA vie, de trouver un emploi, d’aimer, se marier et faire des enfants. Au moment fatidique où ils sont activés, ils ont 31 jours pour éliminer leur jumeau sous peine d’être désactivés définitivement tous les deux grâce à un minuteur génétique implanté dans leurs yeux. Désactivés donc morts.
West et Luc viennent d’enterrer leur père et leur meilleur ami Chord a depuis peu fait le deuil de son frère tué par son Alt. L’ambiance n’est donc pas à la fête pour eux lorsqu’ils apprennent que Chord vient d’être activé.
West a 15 ans, elle commence seulement l’entraînement qui se déroule sur les 5 années suivantes pour se préparer physiquement et mentalement à tuer son jumeau. C’est donc un choc pour elle de voir que si tôt après avoir activé son frère, Chord l’est lui aussi.
Elle est inquiète, trop de morts ont émaillé leur vie pour qu’ils se sentent sereins. Luc et elle se sont fait la promesse de tout faire pour gagner mais que fera Chord qui semble au bout du rouleau? Luc et elle décident donc de l’appuyer.
Alors quand les événements se précipitent, que de nouveau la mort s’invite dans leur parage, West prend une grande décision qui va changer son avenir, pour protéger les autres, pour elle aussi. Elle va devenir chasseuse.
Lorsque j’ai lu le résumé la première fois je me suis dit “je veux le lire”. Alors quand grâce au Boudoir Ecarlate j’ai eu cette opportunité, je me suis jetée dessus. Hâte enfin de l’avoir dans mes mains et de le découvrir.
Cependant entre ces deux moments j’ai eu l’occasion d’en entendre quelques échos mitigés et mon enthousiasme s’il n’en a pas été douché, a cependant eu une petite baisse de forme. Qu’à cela ne tienne! Je me suis donc lancée dedans pour me faire ma propre idée.
Les premiers chapitres passants, je me suis sentie à l’aise avec l’écriture d’Elsie Chapman. Elle reste simple, directe et nous permet de facilement nous mettre dans l’ambiance. Le sujet est précis, le jeune activé doit retrouver son double et l’éliminer de n’importe quel manière et ce en moins de 31 jours sinon c’est la mort pour les deux. Bien entendu comme dans toute civilisation nouvelle l’auteur nous explique pourquoi Kersh en est arrivée à cette extrémité et nous situe la position du Conseil qui décide.
On a l’occasion au fil de la lecture de découvrir que comme dans tout gouvernement, celui-ci a ses réfractaires ou ses opposants. Certains ont décidé de devenir chasseurs, tels des chasseurs de prime ils exécutent des contrats pour des individus qui ont décidé de tricher et de ne pas s’opposer eux-mêmes à leurs Alts.
West a décidé de devenir l’une d’entre eux et au départ on comprend ses raisons même si sa décision me paraît peut être un peu extrémiste. Comment peut-on croire que l’on va protéger ses proches en devenant hors-la-loi ? Elle n’a que 15 ans et a vu déjà la mort frapper trop souvent autour d’elle c’est pourquoi j’ai du mal à comprendre qu’elle choisisse cette voie remplie encore et toujours de sang et d’horreur.
Surtout que déjà dès son plus jeune âge elle se posait des questions que ne se posaient pas les autres sur les différentes façons de voir les choses : comme elle le dit elle-même « l’Accomplissement c’est avant tout un Alt qui doit mourir, ou c’est plutôt un Alt qui parvient à survivre ? ». Rien que cette phrase anodine au début du roman nous laisse présager ou espérer une prise de conscience de la part de notre héroïne.
Les chapitres se suivent et parfois on pense qu’ils se ressemblent. West semble fuir et pourtant on sait que ce n’est pas son Alt à qui elle veut échapper mais à un sentiment de culpabilité d’être en vie là où tant d’autres ne sont plus. Elle se sent coupable aussi vis-à-vis de Chord, coupable de l’avoir détesté un instant pour la perte d’un être cher. On ressent bien que son rejet est plus un refus de reconnaître ses sentiments à cause de son activation que le sentiment de le protéger ainsi en ne l’ayant pas dans ses parages. Chord a prouvé qu’il était capable de se débrouiller seul et va continuer à le faire en la suivant à son insu. C’est elle qui n’y arrive plus dès qu’il s’agit d’elle-même et non d’un contrat.
West mûrit au fil des pages qui se tournent. Nous partageons ses réflexions et ses inquiétudes et notre fébrilité s’accroît de façon inversement proportionnelle au nombre de pages qu’il reste à lire. J’ai eu peur un instant de trouver le temps long, d’y trouver des temps morts qui n’étaient dus qu’à mon impatience. J’ai alors repris ma lecture et lorsque j’ai relevé la tête, je l’avais terminé sans voir le temps passé.
Vous connaissez ce sentiment lorsque vous savez que quelque chose doit arriver sans savoir réellement quand ? Cette incertitude, ce nœud dans l’estomac au pire qui vous rend fébrile et vous fait tourner les pages en tremblant d’anticipation. Parfois au détour de la page suivante cela va mieux car l’action est apparue ou d’autres vous continuez à vous enfoncer dans cet état fiévreux jusqu’au dénouement, telle la délivrance d’un accouchement ou les résultats reçus d’un examen. Voilà en gros comment je me suis sentie sur une bonne partie de ce livre.
West a su m’entraîner dans sa course effrénée vers son but, sa survie. Je me suis retrouvée à faire partie de ses bagages au même titre que ses couteaux ou son sac. Les événements se sont accélérés, ses pensées ont évoluées et ses sentiments envers le monde aussi.
Et moi j’ai commencé à frémir d’impatience et d’anticipation voyant s’approcher la fin du délai imparti. Comment vont-elles se retrouver ? Qui trouvera l’autre d’abord ? Lorsqu’à plusieurs reprises nous avons l’occasion d’entendre parler de son Alt et de sa famille, le doute nous assaille. Mérite-t-elle de mourir ? Nous vivons le roman par les yeux de West mais nous aurions pu tout aussi bien être de l’autre côté. Qui alors aurions-nous voulu voir triompher ?
Elsie Chapman a su nous impliquer dans son monde de telle façon que nous souhaitions voir mourir l’autre pour la survie de West. Lorsque nous relevons la tête de ce livre c’est pour mieux nous interroger sur son système et apprécier le nôtre quoiqu’imparfait.
Elle nous fait découvrir aussi le décor, les quatre zones de Kersh au hasard des missions ou de la fuite de West. Chacune avec ses spécificités et ses inégalités comparées aux autres. Là encore, l’argent permet aux Alts les mieux lotis de se débarrasser de leur activation sans se salir les mains, en engageant un chasseur pour faire le sale boulot. On peut donc se demander où est la règle d’origine de ne faire survivre que les meilleurs guerriers dans le cas où Kersh devrait se défendre de l’extérieur. Que fait alors ce Conseil qui laisse ces inégalités se dérouler en toute impunité car ils n’ont peut-être pas les moyens de lutter contre ?
Dans les gens que va côtoyer ou croiser West au cours de ces 31 jours, on voit bien et elle aussi, qu’à vivre ensuite serein certains Accomplis s’amollissent ou n’ont plus ou pas cette vocation d’être le meilleur. Ils ont passé les premières années de leur adolescence à attendre l’activation pour gagner leur place dans ce système, puis une fois cette épée de Damoclès disparue certains ont oublié par distanciation ou par réflexe protecteur ce qui les a amené à tuer leur prochain. Vivre toute sa vie avec le sentiment que l’on doit cette vie à un meurtre ne doit pas être évident et pourtant les Accomplis semblent pour la plupart s’en contrefichent. Cela m’a troublée et m’a fait apprécier d’autant plus West et Chord qui semblaient avoir une conscience.
En conclusion, ce n’est peut-être pas un coup de cœur mais un très bon moment de lecture que je recommande. L’écriture est belle et l’action nous transporte dans Kersh au même titre que West.
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